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Le Fonctionnement de la ligne 14 en temps normal
Pour réaliser une ligne de métro rentable et performante,
le cahier des charges de celle-ci doit tenir compte dans un ordre prédéfini de
différents éléments. Tout d'abord, il faut choisir les destinations principales
et le tracé général de celle-ci. Pour la ligne 14, le tracé s'est finalement
porté et dans un premier temps sur Madeleine – Bibliothèque. Cependant, la
ligne a été et sera encore prolongée. La seconde étape consiste à définir le
mode de traction de la ligne et le type d'exploitation de celle-ci en fonction
du nombre de passagers prévus théoriquement sur cet axe. Toujours dans le cas
de la ligne 14, le système de traction s'est porté sur le choix du courant
électrique (tunnel oblige). En effet, les rames de la ligne sont alimentées le
troisième rail latéral délivrant du courant continu en 640 Volts. Il faut enfin
concevoir et mettre au point les infrastructures et les logiciels assurant le
bon fonctionnement de la ligne. Il faut ensuite concevoir les rames devant être
exploitées sur la ligne. Cependant, cette tâche est confiée aux constructeurs
de matériels roulants (Alsthom dans ce cas). Le matériel roulant créé pour l
‘occasion est le MP89 (matériel pneus 1989). Tout d’abord construit sous formes
de rames manuelles destinant à tester ce nouveau matériel sur la ligne 1, une
version conduite automatique (CA) du MP 89 est sortie.
La RATP a donc conçu pour la ligne 14 un système
capable de piloter intégralement les rames sur la ligne, dans un souci de
confort pour les voyageurs: le SAET (Système d'Automatisation et d'Exploitation
des Trains). Ce que l'on entend par confort, c'est la qualité du service
délivré: la vitesse et la régularité des trains. En effet, même si la ligne 14
peut fonctionner " toute seule", sa fiabilité est de 10-9 (celle
de l'homme étant de 10-2). Le SAET est constitué de plusieurs
composants, regroupés au sein du PCC, le poste central de contrôle. Situé à la
station Bercy sur la ligne 14, le PCC regroupe donc le personnel chargé de
surveiller la ligne 14. Cependant, dans le cas d'une exploitation commerciale
d'une ligne, et encore plus lorsque des voyageurs l'empruntent, il faut réduire
les risques au minimum.
Le (SAET) peut être considéré comme étant
"l’intelligence artificielle" de la ligne 14. Ce système permet
d'attribuer une mission aux trains et de contrôler ceux-ci tout en suivant leur
progression en temps réel. Nous allons donc vous présenter le principe de
fonctionnement du SAET. Ce principe repose sur un système logique construit en
langage B, langage constitué de différentes couches, chaque couche du programme
devant être vérifiée pour que la couche supérieure soit lue et acceptée.
Voici
donc les principales étapes du fonctionnement du SAET.
1- Selon les horaires prédéfinis, le SAET mets sous
tension une rame. Au cours de cette période, la rame teste différents éléments
telles que l'ouverture et la fermeture des portes… Le train communique aussi au
SAET sa position sur la voie grâce à la méthode de repérage décrite plus bas.
2- SAET
d'attribuer à la rame considérée une mission en fonction des horaires
prédéfinis.
3- Chaque rame envoie en temps réel sa position au
SAET qui définit le CDV (coupon de voie) de voie où la rame peut se déplacer:
c’est la logique des cantons.
4- Des balises fixes placés le long des voies permettent
de localiser les rames non automatiques. Les coordonnées de celles-ci sont donc
connues du SAET qui adapte le trafic des rames automatiques en fonction de la
présence de la rame manuelle.
5- Lors d’un arrêt en station, une chaîne d’évènements
est alors mise en route et qui se poursuit tant que toutes les étapes sont
correctement exécutés (principe de la méthode B).
Nous allons maintenant donner en détail le principe
de fonctionnement de l'automatisation des trains de la ligne 14 en temps normal
d'utilisation,.c'est à dire la procédure mise en œuvre pour assurer le pilotage
des rames.
·
Où sont les trains?
Le premier problème qui peut apparaître sur ce type
de ligne automatique est le repérage des rames sur la voie par le SAET. En
effet, pour que le SAET puisse donner des ordres cohérents aux rames et en
toute sécurité pour les passagers, il faut qu'il tienne compte des rames
avoisinantes. Il se doit donc de connaître en permanence et de manière précise
la position de chacune des rames présentes sur la ligne
Pour situer les rames, un premier procédé est donc
utilisé: il s'agit de la roue phonique (RPH). Tout comme dans une automobile,
certains essieux de la rame sont dotés d'un compteur kilométrique. Ce compteur
fournit donc une information essentielle: quelle est la distance parcourue par
la rame. En effet, en considérant un repère à une dimension, il suffit de
considérer le point de départ comme origine de celui-ci, d'y ajouter la valeur
indiquée par le compteur kilométrique, et l'on obtient le placement de la rame
sur la ligne. Ainsi, la rame transmet en permanence au PCC la distance
parcourue indiquée par son compteur. La transmission de ces données numériques
se fait par l'intermédiaire d'une nappe (ou tapis) placée au milieu de la voie
tout le long de celle-ci. La transmission se fait de manière analogique par
ondes radio (FM). Puis ces ondes sont retranscrites de manière numériques lors
de leur arrivée dans le PCC .Le PCC analyse donc ces données et connaît ainsi à
tout moment le positionnement de la rame. Ce système repose cependant sur la
rotation des essieux. Mais les roues, surtout métalliques, n'adhèrent pas
forcement parfaitement à la voie: si la voie présente des impuretés à sa
surface (huile, saletés…) la roue se mettra à patiner en cas d'accélération. La
rame sera donc localisée sur une position devançant sa position réelle. En
revanche, si le train freine et que la roue comportant le compteur se bloque,
le compteur cessera d'indiquer que la rame avance… alors qu'elle avance bel et
bien. Il s'en suivra donc d'une position théorique placée derrière la position
réelle. Ces évènements ne traduisent pas de grandes différence de position (les
trains ne patinent heureusement que sur de courtes distances), mais au fil des
stations et des arrêts, l'imprécision accumulée peut s'avérer dangereuse. C'est
pourquoi la RATP a choisi de construire un métro sur voie à pneumatiques pour
la ligne 14. Les pneus présentent en effet plusieurs avantages: ils améliorent
considérablement l'adhérence de la rame (+80%), de plus les accélérations et
les freinages peuvent donc être plus prononcés et la vitesse moyenne de la rame
peut être augmentée sans pour autant nuire aux passagers.
Cependant, les pneumatiques de présentent pas une
adhérence parfaite, surtout lorsque l'usure de ceux-ci entre en jeu. C'est pour
cela que les BPN (balises de positionnement négatif) entrent en jeu . Ces balises fixes émettent un faisceaux lumineux
infrarouge. Comme elle encadrent la voie, lorsque la rame passera entre
celles-ci, le faisceau sera donc coupé, et le SAET sera donc informé du passage
de la rame en un point donné. Ce système vient donc corriger les éventuelles
erreurs de positionnement donnés par la roue phonique, bien que celle-ci
s'avère cependant très fiable.
Enfin, un troisième appareil de repérage entre en
jeu. En effet, la présence des portes palières oblige la rame à se positionner
très précisément face à celles-ci. Bien sûr si la rame se positionne mal, les
passagers peuvent toujours sortir de celle-ci à l'aide de portes situées à coté
des portes coulissantes. Pour pouvoir donc se positionner au mieux face à ces
portes, le train va utiliser des balises fixes. Ces balises blanches implantées
au milieu de la voie indique donc au train sa position dans la station
Maintenant que nous connaissons la position des
rames, il faut être capable de les piloter à distance en toute sécurité. Comme
nous l'avons décrit plus haut, le SAET contrôle les rames à distance en leur
permettant de circuler sir tel ou tel coupon de voie (CDV). Pour ce faire, il
faut cependant définir ce que l'on appelle coupon de voie ou canton.
·
Les cantons
Depuis les débuts du chemin de fer il y a
maintenant plus d'un siècle, s'est posé le problème suivant: faire circuler deux
trains sur une même voie et dans la même direction afin d'augmenter la
rentabilité de la ligne. Cependant, il fallait trouver un système pour éviter
que les deux trains entrent en collision. Ainsi, les ingénieurs ont eu l'idée
de découper la voie en cantons. Ainsi, lorsqu'un train entre dans un canton, la
signalisation interdit tout accès au canton précédant le train. Chaque train
sera donc séparé du train qui le précède par au moins un canton. Pour
déterminer si un canton est libre on procède à la méthode suivante: on fait
circuler dans le canton, isolé électriquement des autres, une faible tension
alternative est imposée à l'un des deux rails. Lorsque le train passe sur ce
canton, il court-circuite , par l'intermédiaire de ses essieux, cette tension. Ainsi
il s'en suit une absence du signal imposé, ce qui traduit la présence du train
sur ce canton. C'est ce que l'on appelle le "shuntage" de la voie.
Lorsque le train libère le canton, le signal réapparaît indiquant ainsi
qu'aucun wagon n'est présent sur la voie.
Ce principe, utilisé universellement, a donc été
intégré à la ligne 14, cependant, il a été optimisé grâce aux logiciels: en
effet les cantons classiques sont définis et sont fixes. De plus le procédé de
repérage par le courant alternatif coûte relativement cher, d'autant que plus
les cantons sont courts, plus il y en a et plus il faut de circuits pour
ceux-ci. Sur la ligne 14, il en est autrement. Les cantons ne sont pas fixes,
mais ils "suivent" les trains définissant ainsi pour chacun d'eux une
zone devant être libre pour remplir les conditions de sécurité et de confort
pour les voyageurs.
·
La méthode B
Comme nous l'avons dit plus haut, le SAET a été
programmé grâce au langage B. Ce langage à été choisi car il ressemble beaucoup
à la logique humaine. Ce langage est un langage très mathématique et donc peut
s'exprimer sous forme de formules.
Ce langage s'appuie sur la théorie des ensembles et
sur la logique classique, ce qui permet d'effectuer des raisonnements
mathématiques, sur les objets manipulés, au cours des phases de spécification
et de conception du logiciel.
Voici l'exemple d'expression d'une exigence de
sécurité par la méthode B : l'anti-collision entre les rames autopilotées.
Pour exprimer l'anti-collision de deux trains gérés
et contrôlés en mode automatique par le SAET, on est amené, en phase de
spécification, à définir le concept de domaine de marche qui, pour un train,
est une sorte d'enveloppe virtuelle en mouvement de la voie. La garantie de
l'anti-collision de deux trains se traduit alors par une disjonction permanente
de leur domaine de marche. Grâce au langage B, cette exigence de sécurité
s'exprime sous la forme d'une propriété (P), à l'aide d'une syntaxe proche de
celle usuellement adoptée en mathématiques :
Pour tout (t, t') є TRAINS х TRAINS :
t ≠
t' => domaine_marche(t) ∩ domaine_marche(t')
= Ø
où :
- TRAINS est l'ensemble abstrait des trains en mode
automatique
- domaine_marche est une fonction qui donne le domaine
de marche d'un train par un ensemble d'abscisses sur la voie
Le développement de la méthode B développé par
MATRA pour la ligne 14 rend son automatisme encore plus complet et sûr. Par la
formalisation, la méthode B présente donc plusieurs avantages.
·
Ne
jamais dépasser la cible
Les cantons ne sont donc pas utilisés comme sur des
lignes classiques. En effet, pour des raisons économiques et pour améliorer la
régularité des trains, la RATP a eu recours à un nouveau principe: celui des
cibles. Ce principe reste un principe logique mais traduit bien la méthode que
le SAET utilise pour piloter les rames à distance. En effet, chaque train
possède deux cibles. Une première cible étant appelée comme cible de sécurité
(cible sécu), l'autre étant la cible fonctionnelle. Chaque train possède donc
deux cibles, une cible sécu et une cible fonctionnelle. Un ordre de priorité de
ces cibles a aussi été défini: la cible sécurité est prioritaire sur la cible
fonctionnelle.
La cible sécurité est comme son nom l'indique un
point de sécurité (ou un seuil) que le train ne doit jamais franchir. Cette
cible est définie par les différents "objets" que le train
rencontrera sur son parcours: aiguilles et appareils de voies, distance entre
le train et le train situé devant… Si cette cible est dépassée, il s'en suit du
déclenchement du freinage d'urgence et donc de l'arrêt complet du train.
Cependant, l'arrêt du train ne se fait pas instantanément. C'est pour cela que
la cible sécuritaire se réserve une marge par rapport au "point" réel
défini. Le train a donc le temps de freiner sans jamais atteindre l'objet en
question.
La seconde cible, la cible fonctionnelle, n'a pas
le même effet sur le train que la cible sécurité. En effet, la cible fonctionnelle
donne un objectif que la rame doit atteindre. Sans objectif, la rame ne fait
rein, et donc ne se déplace pas. Ainsi la cible fonctionnelle donne des ordres
à la rame: aller jusqu'à cette station, s'arrêter à cette station, repartir
etc.… Ainsi cette cible ne peut jamais être dépassée. Si elle l'était, cela
signifierait que la rame prenne elle-même une initiative, ce qui est
strictement impossible. Cependant, la rame cherchera à atteindre cette cible,
mais sous la seule condition que la cible sécurité ne soit jamais dépassée.
La RATP assure donc par ce biais un déplacement
rapide, une régulation fiable et un niveau de sécurité dépassant même celui que
l'homme peut fournir.
La réunion de tous les contrôles sous le SAET
permet un sérieux gain de temps et de disponibilité du matériel. Ainsi,
l’intégration de rames manuelles est plus facile à contrôler. Les contrôles sur
les trains s’opèrent de façon automatique, grâce notamment au matériel
embarqué. Les trains manuels sont donc naturellement traités différemment des
rames automatiques : le sens de déplacement des rames automatiques est
donné par le SAET, mais les rames manuelles en sont indépendantes. C’est
pourquoi les accès aux cantons adjacents (précédent et suivant), sont bloqués
afin de laisser une marge de sécurité. Quel que soit le train se présentant en
entrée d'une zone, il est, dès l'origine, détecté et suivi comme train non
équipé grâce aux automatismes fixes (balises de positionnement négatif).
Comme les capacités du PAE (pilote automatique embarqué) ne permettent pas de gérer toute la ligne avec un seul calculateur, il a été introduit une notion de section d'automatisme et de Pilote Automatique Fixe (PFA). Les automatismes fixes cherchent à nouer le dialogue avec les trains entrant dans leurs zones. S'ils y parviennent, c'est qu'il s'agit d'un train équipé. Celui-ci indique alors le trajet qu’il suit. Pour un train équipé, les pilotes automatiques fixes vérifient que le train est seul à entrer sur ce coupon de voie: si c'est le cas et qu'il soit en conduite automatique intégrale, ces automatismes le prennent en charge en tant que tel et lui indiquent son ses cibles. Dans un canton, c’est le pilote automatique fixe qui gère la section et réalise le suivi permanent des trains qui y sont présents.